Trois étapes vers la résilience mondiale de l’eau
Les changements climatiques ont donné lieu à un nombre croissant de sécheresses, d’inondations et de tempêtes au cours des dernières années et, à mesure qu’ils deviennent plus fréquents, les événements perturbateurs liés à l’eau ont également tendance à s’intensifier. Il est de plus en plus urgent de rendre nos systèmes d’eau plus résilients et adaptables. Mais que signifie réellement la résilience? Et quelles mesures peuvent-elles être prises pour renforcer la résilience de l’eau dans le monde?
Selon une nouvelle étude sur les conséquences économiques des risques liés à l’eau causés par les changements climatiques d’ici 2050, les sécheresses, les inondations et les tempêtes pourraient réduire de près de 5,6 T$ US le PIB des huit pays étudiés.
L’une des principales conclusions de l’étude Aquanomics est que le risque varie en fonction de la région géographique, ainsi que des utilisations prédominantes de l’eau et des principales industries actives dans cette région. Il faut envisager de bâtir des systèmes susceptibles de réduire les pertes dues aux tempêtes, aux inondations et aux sécheresses, en tenant compte des vulnérabilités, des infrastructures existantes et des besoins futurs particuliers à chaque région.
Revoir notre relation avec l’eau.
Il est temps de cesser de considérer l’eau comme une marchandise à contrôler et de reconnaître sa valeur intrinsèque en tant que cycle naturel et équilibré. Nous devons travailler ensemble pour mettre en œuvre des solutions intégrées, en optimisant les infrastructures déjà en place et en travaillant avec la nature pour construire des actifs différents et plus flexibles.
Pour renforcer la résilience de l’industrie de l’eau, il faut adopter une approche agile, bâtir au fil du temps et impliquer les communautés, en valorisant leurs connaissances récentes et anciennes ainsi que leur participation aux nouvelles solutions. La transformation nécessitera une collaboration radicale au sein de l’industrie, de même que des solutions législatives innovantes de la part des gouvernements. La création d’infrastructures hydrauliques résilientes exigera des partenariats étroits entre les secteurs public et privé.
Plus le risque lié à l’eau augmentera, plus la nécessité d’agir se fera sentir. En étudiant les impacts économiques, Aquanomics montre la voie à suivre pour concrétiser les avantages sociaux et environnementaux d’une approche de gestion proactive et directe des risques liés à l’eau. Dans l’optique de ces risques, l’étude présente les leçons que l’on peut tirer des pays et des régions qui réussissent à s’adapter et à atténuer leurs risques, fournissant ainsi des conseils pour aider à renforcer la résilience des réseaux d’eau dans le monde entier.
Renforcer la résilience de l’eau
Il existe une panoplie de risques liés à l’eau, et il n’existe pas de solution universelle pour améliorer la résilience. Les efforts d’adaptation et d’atténuation dans les régions confrontées à une grave pénurie d’eau seront différents de ceux dans les zones où le plus grand risque est posé par la surabondance d’eau occasionnée par les inondations et les tempêtes.
Par le passé, la réponse aux défis de l’eau consistait à « construire en grand », c’est-à-dire à créer des infrastructures centralisées dont la taille pouvait atteindre cinq fois celle de la demande actuelle, et qui répondaient aux besoins de la communauté pendant plus d’un siècle. Or, construire pour la résilience signifie qu’il ne suffit plus de compter sur la mise en œuvre d’interventions coûteuses à grande échelle en matière d’infrastructures. Les gouvernements, les entreprises, les communautés et le secteur de l’eau doivent plutôt adopter une vision stratégique à long terme de la gestion des ressources, en mettant l’accent sur trois principes clés :
- Adaptation : Intégrer la résilience aux nouveaux projets.
- L’industrie doit être en mesure de s’adapter rapidement aux risques à mesure qu’ils évoluent. Un modèle de gestion adaptative faisant appel à des investissements plus petits et même temporaires (sur des horizons de 10 et 20 ans) permettra une plus grande souplesse.
- Par exemple, la ville d’Eureka, en Californie, a récemment élaboré une vision à long terme pour la gestion de ses eaux pluviales, dans le but d’assurer des effets positifs sur l’environnement dans la région. Le plan a examiné la qualité de l’eau, la gestion des eaux pluviales et les implications possibles de la montée des eaux de la mer. La priorité était de cibler les projets de développement à faible impact (DFI) pour réduire le ruissellement de surface et prévenir la pollution des cours d’eau.
- Les plans les plus complets sont ceux qui tiennent compte des facteurs à long terme, même lorsqu’ils mettent en œuvre des solutions à court terme. Cela peut assurer que les stratégies mises en œuvre aujourd’hui n’entravent pas la capacité d’une communauté à bénéficier des avancées technologiques ou à s’adapter aux défis à venir.
- Optimisation : Améliorer la résilience et le rendement de l’infrastructure existante grâce à des technologies de pointe et à des données probantes.
- L’amélioration de l’efficacité et de la réactivité des réseaux d’eau peut potentiellement changer la donne en stimulant la résilience. Les dispositifs intelligents et les capteurs permettent aux exploitants de services publics de surveiller leurs actifs en temps réel, d’effectuer une maintenance plus efficace et de gérer les capacités, par exemple lors d’une inondation. Cela permet d’économiser de l’argent et de bien décider où iront les investissements futurs.
- L’usine de traitement des eaux usées de Humber, en Ontario (Canada), s’est lancée dans un tel programme de renouvellement des actifs pour les soufflantes d’aération, qui agissent en tant que poumons de l’usine, et qui ont atteint la fin de leur vie utile. L’installation de soufflantes à haut rendement énergétique permettra de prolonger la durée de vie de l’ensemble de l’usine, d’éviter une défaillance critique du système et de réduire son empreinte carbone. Les nouvelles soufflantes seront séquencées et exploitées en fonction des besoins du procédé, ce qui garantira une efficacité maximale et permettra de réaliser des économies d’énergie qui devraient représenter environ 30 % des niveaux actuels.
- L’Australie, quant à elle, a examiné toutes les usines d’épuration du pays pour étudier les possibilités de réutilisation de cette eau à des fins agricoles ou, éventuellement, afin de produire de l’hydrogène pour l’industrie énergétique.
- Priorisation : Il faudra donner la priorité aux solutions régénératrices et respectueuses de l’environnement. L’économie circulaire sera essentielle à la gestion de l’eau.
- L’industrie de l’eau est de nature circulaire et fonctionne en circularité partielle depuis des décennies, grâce à des solutions de fin de chaîne, de biosolides et de valorisation énergétique des déchets. Aujourd’hui, une nouvelle approche permet d’appliquer les principes de circularité tout au long du cycle de vie des opérations et au-delà de ce dernier, en reliant l’industrie de l’eau à l’économie au sens large afin de générer des résultats plus durables pour l’ensemble de la communauté. En regardant au-delà des limites des organisations et des actifs individuels, nous pouvons découvrir des occasions de partenariats mutuellement avantageux avec d’autres secteurs.
- Par exemple, la réutilisation et la circularité peuvent s’avérer particulièrement efficaces dans les villes, où l’eau recyclée peut être réaffectée à des centrales de production d’hydrogène et à des projets de verdissement urbain à proximité. Idéalement, cela élimine la nécessité de pomper l’eau sur de longues distances, un procédé coûteux qui s’accompagne d’un coût énergétique (et donc carbonique) élevé. La planification stratégique détermine les utilisations les plus opportunes et avantageuses de l’eau recyclée sur le plan économique. C’est particulièrement important, étant donné que cette eau – de par sa capacité à générer des revenus, et ainsi à compenser les nouveaux investissements dans les capacités – fera l’objet d’une demande plus forte que jamais.
- Privilégier le recyclage de l’eau et travailler avec les procédés naturels aura pour effet d’améliorer la durabilité à long terme tout en réduisant les coûts. Les avantages pour les communautés et les clients peuvent inclure un service fiable, un rétablissement plus rapide après des événements importants liés à l’eau, et la possibilité de continuer à assurer les maisons et les entreprises à un prix abordable.
- Certains endroits dans le monde sont déjà en train de mettre au point des systèmes qui imitent le cycle naturel de l’eau. L’Australie construira bientôt un système de traitement des eaux usées d’un milliard de dollars à Upper South Creek, à Sydney, qui aura recours à des initiatives d’économie circulaire pour recycler l’eau à des fins urbaines et industrielles. De l’autre côté du globe, en Californie, Google s’est engagé à atteindre une cible de consommation d’eau nette positive pour ses deux prochains campus dans la Silicon Valley.
- La façon dont nous répondons aux risques croissants liés à l’eau sera déterminante pour notre santé, notre prospérité et notre qualité de vie futures. La transformation de nos réseaux d’eau ne peut plus attendre, et ne peut pas non plus s’accomplir de façon isolée; il faut agir de façon collaborative dès aujourd’hui.
- C’est en faisant des changements dès maintenant que nous pourrons éviter les pertes économiques importantes prévues – et les conséquences socioéconomiques qui en découleront – et nous préparer à un avenir plus résilient et équitable en matière d’eau.