Une nouvelle étude révèle un risque lié à l’eau de 5,6 T$ US d’ici 2050

Une étude sur les conséquences économiques des risques liés à l’eau causés par les changements climatiques d’ici 2050 prévoit que les sécheresses, les inondations et les tempêtes pourraient réduire de 5,6 T$ US le PIB des principales économies mondiales, certaines étant plus touchées que d’autres. Quels sont les endroits et les secteurs industriels les plus touchés, et ceux qui sont prêts à s’adapter? Plus important encore : comment pouvons-nous renforcer la résilience afin de réduire les répercussions des risques liés à l’eau et de protéger les économies et les communautés qu’elles soutiennent?

Prévision des risques liés à l’eau

En 2021, les sécheresses, les inondations et les tempêtes ont touché plus de 100 millions de personnes dans le monde, causant des blessures et des pertes de vies humaines, et menaçant les moyens de subsistance. Dans le contexte des changements climatiques qui s’intensifient, l’aggravation des tempêtes devrait entraîner des pertes croissantes, estimées à 1988 G$ US d’ici 2050, les inondations et les sécheresses ajoutant respectivement 1472 G$ US et 607 G$ US de risques supplémentaires. Aquanomics utilise un modèle sur mesure pour estimer les répercussions futures liées à l’eau, en l’appliquant à huit pays et à cinq secteurs critiques de l’économie. C’est la première fois que les risques liés à l’eau sont calculés selon le PIB et divers secteurs. Aquanomics a révélé que les risques liés à l’eau sont répartis de manière inégale, en fonction de l’état des infrastructures existantes d’une région, des caractéristiques géographiques locales, des industries dominantes, des systèmes de prévention locaux et des politiques gouvernementales existantes en matière d’atténuation.

La majorité des pays examinés dans l’étude ont des économies importantes et technologiquement avancées, avec des ressources qui, si elles sont déployées rapidement, peuvent réduire ces coûts prévus. En sachant que le risque est réparti de manière inégale à l’intérieur de ces régions, on peut également présupposer que les nations ayant des économies plus petites et moins d’options technologiques seront confrontées à une échelle de risque similaire, avec des défis plus importants pour atteindre la résilience.

Les conclusions de l’étude appellent de toute urgence à l’investissement, à l’innovation et à la coopération au-delà des frontières régionales et nationales, car elles offrent des possibilités de transformer les systèmes d’alimentation en eau localement et mondialement. Cela permettrait de réduire les conséquences économiques prévues par Aquanomics, en protégeant les communautés et les gens contre les impacts écologiques et la perte des moyens de subsistance.

Quels sont les endroits et les secteurs les plus à risque?

En termes de pertes de PIB liées à l’eau entre 2022 et 2050, on estime que les États-Unis seront les plus touchés, avec des pertes estimées à 3719 G$ US. En pourcentage du PIB, l’Australie et les Philippines sont également à haut risque, avec des baisses économiques annuelles moyennes comprises entre 0,6 et 0,7 %.

Les Émirats arabes unis devraient être moins touchés, avec des pertes prévues de 27 G$ US et une perte annuelle moyenne de 0,1 % du PIB jusqu’en 2050, et le Royaume-Uni est lui aussi confronté à une perte plutôt faible de 0,1 %.

En ce qui concerne les secteurs, l’étude Aquanomics prévoit que le secteur de la fabrication et de la distribution sera le plus durement touché par l’augmentation des risques liés à l’eau, avec des pertes totales d’un peu plus de 4211 G$ US d’ici 2050 en raison de la restriction des processus de production, des actifs endommagés et des perturbations pour la distribution. Le secteur de l’énergie et des services publics devrait être le moins touché, avec des pertes de production totales prévues de 237 G$ US.

Philippines
47 G$ loss by 2050
0,7 % of GDP lost annually (average)
Australie
393 G$ loss by 2050
0,5 % of GDP lost annually (average)
États-Unis
4549 G$ loss by 2050
0,5 % of GDP lost annually (average)
Canada
128 G$ loss by 2050
0,2 % of GDP lost annually (average)
Chine
1408 G$ loss by 2050
0,2 % of GDP lost annually (average)
Émirats arabes unis
33 G$ loss by 2050
0,1 % of GDP lost annually (average)
Royaume-Uni
138 G$ loss by 2050
0,1 % of GDP lost annually (average)

Données montrant la perte annuelle moyenne du PIB en pourcentage pour la période de 2022 à 2050 par pays

Fabrication et distribution
5218 G$
Biens de consommation et vente au détail
1372 G$
Banques et assurances
640 G$
Agriculture
416 G$
Énergie et services publics
291 G$

Les profils de risque géographiques d’Aquanomics illustrent les forces et les vulnérabilités de chaque pays, ce qui permet de déterminer les endroits où les investissements dans des interventions ciblées pourront atténuer le plus efficacement les impacts prévus.

La Chine, par exemple, a effectué d’énormes investissements dans les infrastructures en eau. Ces investissements peuvent atténuer le coût humain des inondations, mais le secteur manufacturier et de la distribution du pays pourrait encore perdre près de 1,7 G$ US en raison des pénuries et des catastrophes liées à l’eau dans les 30 prochaines années. Les pertes pourraient être réduites davantage en réacheminant de l’eau recyclée vers ces secteurs ou en relocalisant certaines industries plus loin des risques d’inondation.

Bien que les pertes financières prévues au Royaume-Uni en raison des risques liés à l’eau soient moins importantes, son long littoral et ses infrastructures vieillissantes sont vulnérables aux inondations, qui coûteront 153 G$ US entre 2022 et 2030 seulement. Pour réhabiliter ou remplacer les infrastructures hydrauliques, il peut être nécessaire de mettre en place des systèmes de collecte de l’eau dans les communautés afin de réduire le pompage, ou de modifier les systèmes de facturation des services publics afin de fixer un tarif exact pour les utilisations non essentielles de l’eau. Les solutions nécessiteront de plus en plus de coopération avec la nature. Par exemple, dans le cadre d’un programme de modification du tracé d’un littoral (projet Medberry Managed Realignment), le gouvernement a acheté des terres aux habitants des communautés menacées et a relocalisé les résidents à l’intérieur des terres, créant des réserves naturelles et permettant aux marais salés de se reconstituer sur les rives.

Même les Émirats arabes unis, qui disposent d’infrastructures hydrauliques très avancées, sont confrontés à une vulnérabilité causée par l’élévation du niveau de la mer, qui pourrait affecter des installations de dessalement essentielles.

Renforcer la résilience de l’eau

En raison de la diversité des risques liés à l’eau, il n’existe pas de solution universelle pour améliorer la résilience face aux risques liés à l’eau. Les efforts d’adaptation et d’atténuation dans les régions confrontées à une grave pénurie d’eau seront différents de ceux appliqués dans les zones où le plus grand risque est posé par la surabondance d’eau occasionnée par les inondations et les tempêtes.

Par le passé, la réponse commune aux défis de l’eau consistait à « construire en grand », c’est-à-dire à créer des systèmes centralisés dont la taille pouvait atteindre cinq fois celle des besoins actuels et qui devaient fonctionner de la même manière pendant plus d’un siècle.

Or, construire pour la résilience signifie que nous ne pouvons plus compter sur la mise en œuvre d’interventions coûteuses, à grande échelle et à objectif unique en matière d’infrastructures. Les gouvernements, les entreprises, les communautés et le secteur de l’eau doivent adopter une vision plus stratégique de la gestion des ressources, axée sur trois principes synergiques :

  1. Adaptation : Intégrer la résilience aux nouveaux projets.

    L’industrie doit s’adapter rapidement aux risques à mesure qu’ils évoluent. Un modèle de gestion adaptative faisant appel à des investissements plus petits et même temporaires (sur des horizons de 10 et 20 ans) permettra une plus grande souplesse pour réagir aux changements. En reconnaissant l’incertitude des défis futurs, une approche plus intégrée et basée sur des systèmes est nécessaire pour évaluer continuellement l’évolution de l’environnement et réagir de manière à optimiser à la fois les investissements et les résultats pour les communautés et les économies.

  2. Optimisation : Améliorer et convertir la résilience et le rendement de l’infrastructure existante grâce à des technologies de pointe et à des données probantes.

    L’amélioration de la réactivité des réseaux d’eau peut potentiellement changer la donne. Les dispositifs intelligents et les capteurs permettent aux exploitants de services publics de surveiller leurs actifs en temps réel, et ainsi d’implanter des interventions opérationnelles et une maintenance prédictive, comme la gestion en temps réel des inondations. Cela permet d’économiser de l’argent en reportant les nouveaux investissements et d’éclairer les décisions concernant l’orientation et l’adaptation des investissements futurs.

    Pour des secteurs comme l’agriculture, les pratiques d’irrigation fondées sur une gestion intelligente des actifs peuvent réduire la quantité d’eau nécessaire à la production ainsi que les matières résiduelles générées par le stockage et le transport des ressources en eau. Elles seront essentielles pour ce secteur, qui est le plus grand consommateur d’eau au monde, la production alimentaire représentant près de 70 % des prélèvements d’eau à l’échelle mondiale.

  3. Priorisation : Il faudra donner la priorité aux solutions régénératrices et respectueuses de l’environnement en adoptant une économie circulaire.

    L’économie circulaire sera essentielle à la gestion de l’eau. Privilégier le recyclage de l’eau et travailler avec les procédés naturels aura pour effet d’améliorer la durabilité à long terme et de réduire les coûts. Les avantages pour les communautés et les clients peuvent inclure un service plus fiable, une confiance accrue dans les chaînes d’approvisionnement locales, un rétablissement plus rapide après des catastrophes liées à l’eau, et la possibilité de continuer à assurer les maisons et les entreprises à un prix abordable.

De nouveaux projets commencent à imiter le cycle naturel de l’eau. L’Australie construira bientôt une usine de traitement des eaux usées d’un milliard de dollars à Upper South Creek, à Sydney, qui aura recours à des initiatives d’économie circulaire pour recycler l’eau à des fins urbaines et industrielles. De l’autre côté du globe, en Californie, Google s’est engagé à atteindre une cible de consommation d’eau nette positive pour ses prochains campus dans la Silicon Valley.

La circularité peut s’avérer particulièrement efficace dans les villes, où l’eau recyclée peut être réaffectée à des projets de verdissement urbain, à l’agriculture urbaine ou au soutien à la décarbonisation et à la transition énergétique, en étant utilisée dans les systèmes de refroidissement ou même dans la production d’hydrogène vert. Ou encore, comme on le voit de plus en plus, être réintroduite dans le système d’eau potable lui-même.

En effectuant une réutilisation circulaire de l’eau de cette façon, il est possible d’éliminer la nécessité de pomper l’eau sur de longues distances, un procédé coûteux qui s’accompagne d’un coût énergétique (et donc carbonique) élevé. La planification stratégique peut déterminer les utilisations les plus opportunes et avantageuses de l’eau recyclée sur le plan économique, et cette eau fera l’objet d’une forte demande à mesure que la rareté nous contraindra à diversifier les sources d’eau.

La façon dont nous répondons aux risques croissants liés à l’eau sera déterminante pour notre santé, notre prospérité et notre qualité de vie futures. La transformation de nos réseaux d’eau ne peut plus attendre, et ne peut pas non plus s’accomplir de façon isolée; il faut agir de façon collaborative dès aujourd’hui. C’est en acceptant cette réalité que nous pourrons éviter les pertes économiques importantes prévues et nous préparer à un avenir plus sain, plus prospère et plus résilient en matière d’eau.