L’eau doit occuper une plus grande place dans les programmes d’ESG

La décarbonisation a dominé l’établissement des objectifs et des priorités des entreprises à l’échelle internationale dans les dernières années, mais il existe un autre secteur de risques et de possibilités sur lequel les entreprises avant-gardistes se penchent de plus en plus : les conséquences environnementales, sociales et économiques des risques liés à l’eau. Qu’il s’agisse de sécheresses ou d’inondations, la fréquence et la gravité croissantes des événements liés à l’eau causés par les changements climatiques constituent un véritable défi pour le rendement. Si les répercussions des changements climatiques sur les secteurs de l’économie qui dépendent de l’eau varient, les principaux défis à relever sont les suivants : hausse des coûts liés aux dommages causés aux actifs et aux infrastructures par les tempêtes ou les inondations, limitation de la production en raison de la pénurie d’eau et de l’évolution des précipitations, et perturbation de la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises qui adoptent rapidement des approches proactives en gestion de l’eau peuvent se positionner de façon à éviter ou atténuer ces risques, tout en réalisant des économies sous forme d’efficacité et d’amélioration du rendement opérationnel.

Fabrication et distribution
5218 G$
Produits de grande consummation et vente au détail
1372 G$
Banques et assurances
640 G$
Agriculture
416 G$
Énergie et services publics
291 G$

Les données montrent la perte totale du PIB mondial en milliards de dollars américains (G$ US) par secteur pour la période de 2022 à 2050

La modélisation effectuée dans le récent rapport Aquanomics, rédigé par GHD en collaboration avec Cambridge Econometrics, démontre que les sécheresses, les inondations et les tempêtes pourraient potentiellement faire disparaître 5,6 billions de dollars américains du PIB des sept pays étudiés entre 2022 et 2050. En outre, le rapport présente les répercussions économiques prévues en tant qu’occasion pour les entreprises d’anticiper les risques dès maintenant, avant que la crise ne s’aggrave.

Les principes d’environnement, de société et de gouvernance (ESG) sont en train de devenir le principal moyen pour les entreprises de gérer et d’évaluer leurs activités, ainsi que d’attirer les investissements. Les entreprises qui planifient et gèrent efficacement l’impact des risques liés à l’eau, tout en démontrant comment elles les ont intégrés dans leur stratégie d’ESG, seront en meilleure position pour maintenir leurs activités et générer des résultats d’affaires durables.

Intégrer les risques liés à l’eau dans une stratégie d’ESG

Une bonne stratégie d’ESG établit un cadre pour gérer les risques, réaliser des économies, améliorer le rendement et accroître la satisfaction des parties prenantes. En identifiant les risques liés à l’eau qui sont les plus susceptibles d’affecter leur rendement, les entreprises sont mieux placées pour les gérer de manière proactive avant qu’une catastrophe ne se produise.

Récemment, l’installation Kirk Yard de Wisconsin Central Limited (WCL) à Gary, en Indiana, qui est la plus grande gare de triage du Canadien National (CN) aux États-Unis et le centre des activités du terminal du CN à Chicago, a été évaluée en fonction des répercussions probables de la modification des niveaux d’eau attribuable aux changements climatiques, comme l’augmentation des précipitations; les tempêtes violentes; la diminution des précipitations sous forme de neige et l’augmentation de celles sous forme de pluie; et l’amincissement de la glace sur les lacs. La combinaison des données climatiques avec l’évaluation du site a fait ressortir diverses options pour atténuer les risques actuels et futurs liés aux changements climatiques, dont le drainage du PVC de la plateforme avec une pompe de puisard, la révision de la fréquence d’entretien des routes et de l’érosion, et le déploiement de rideaux de contrôle des sédiments. À l’issue de l’évaluation, il a également été recommandé à WCL d’intégrer un examen de la vulnérabilité climatique dans les plans d’amélioration des immobilisations et les révisions annuelles.

La gestion du carbone dans le contexte de la stratégie d’ESG d’une organisation implique souvent la déclaration des émissions, la comptabilisation du carbone et la gestion numérique pour fixer des objectifs et surveiller les résultats. Cela permet aux entreprises de fixer des objectifs réalisables, de les articuler à l’interne et à l’externe, et de progresser vers leur réalisation – ajoutant par le fait même de la valeur commerciale à leurs activités. L’intégration des risques et des possibilités en lien avec l’eau dans les cadres d’ESG suit un processus parallèle : définir l’utilisation, la réutilisation et le gaspillage de l’eau; intégrer des outils numériques et autres pour identifier les possibilités et les points sensibles; et trouver comment se rapprocher d’une stratégie durable – ou idéalement carboneutre – en matière d’eau pour le futur. De plus, la bonne gestion de l’eau et du carbone sont souvent liées, car l’eau est souvent une source importante d’émissions de carbone.

Dans le secteur de la fabrication et de la distribution, par exemple, la pénurie d’eau limite de plus en plus les procédés de production industrielle, tandis que les inondations et les tempêtes causent des dommages directs aux biens (bâtiments, stocks et machines) et à l’approvisionnement en énergie, ainsi que des perturbations opérationnelles soit directement dans les organisations ou dans les chaînes d’approvisionnement critiques. Les dommages se répercutent sur l’industrie des assurances; en effet, les entreprises peuvent constater qu’un manque de gestion des risques liés à l’eau fera augmenter les primes d’assurance.

Les risques liés à l’eau ont aussi une incidence sur la distribution: par exemple, une sécheresse extrême peut perturber le transport maritime, tandis que les inondations et les tempêtes peuvent perturber les infrastructures de transport routier, ferroviaire et aérien. Le rôle charnière que joue l’eau entre tous les secteurs signifie que les entreprises doivent déterminer quelles parties de leur chaîne d’approvisionnement pourraient être les plus vulnérables aux perturbations et aux catastrophes liées à l’eau, et y remédier en conséquence.

Ajoutant une couche supplémentaire de complexité, Aquanomicsa révélé que les répercussions associées à l’eau dépendent aussi de l’emplacement géographique. En calculant les risques liés à l’eau au niveau du PIB et par industrie, le rapport révèle que les entreprises doivent comprendre le contexte et les implications géographiques de leur utilisation de l’eau, la combinaison précise de risques externes liés à l’eau auxquels elles sont confrontées, et comment ces conditions peuvent évoluer en raison des changements climatiques. Les profils géographiques couverts par Aquanomics fournissent un aperçu des risques et de la résilience dans sept pays différents et permettent de comparer entre les industries et les emplacements.

Les implications d’un profil plus élevé pour le risque lié à l’eau

Une plus grande attention générale portée à la bonne gestion de l’eau pourrait faire en sorte que les pratiques durables en matière d’eau soient un critère d’investissement plus important et attirent l’attention des parties prenantes. Un exemple d’avant-garde est le gestionnaire d’actifs néerlandais ACTIAM qui, avec 63 G$ d’actifs à gérer, s’est fixé l’objectif pionnier d’être neutre en eau d’ici 2030, ce qui signifie que « les entreprises du portefeuille de la société ne consommeront pas plus d’eau que la naturene peut en fournir et ne causeront pas plus de pollution que ce qui est acceptable pour la santé des humains et des écosystèmes naturels ». Pour passer à la vitesse supérieure, plutôt que de récompenser les entreprises qui gèrent bien l’eau en leur donnant accès à des investissements, il est plus probable de voir émerger des mesures visant à tenir les entreprises responsables de leur rôle dans l’aggravation des impacts des catastrophes liées à l’eau; par exemple, des pénalités pour la propagation de la contamination lors d’une inondation.

En bref, les entreprises devront se fixer des objectifs à long terme, semblables aux critères de référence désormais courants en matière de décarbonisation, pour l’utilisation de l’eau et les risques connexes. Ces objectifs favoriseront une transformation radicale, tout en montrant comment les entreprises renforcent activement la résilience de l’eau et protègent leurs intérêts commerciaux – et leurs investissements – contre les chocs et les menaces futurs.